L’état des lieux de la santé des femmes, par l’ADSF et à paraître en décembre, constituera une introduction sur les besoins et demandes en santé du public cible de l’association.
Depuis plusieurs années, l’ADSF constate une augmentation du nombre de femmes en errance, à Paris comme dans d’autres villes de France. Les Nuits de la Solidarité organisées par la Ville de Paris attestent également de ce phénomène, en constatant que parmi les personnes en situation de rue lors des comptages, 12% d’entre elles sont des femmes. Malgré l’ouverture de nombreux dispositifs, ce chiffre n’a pas diminué. D’après l’INSEE, en 2012, deux personnes sans-abri sur cinq étaient des femmes.
Dans le comptage ou les statistiques réalisées par le secteur de la veille sociale et l’ensemble des institutions, le public spécifique des femmes, parmi les plus démuni·e·s, est très récent. L’ensemble des dispositifs proposés ont été à destination des hommes seuls ou des « familles », soit des couples avec enfants ou des « familles monoparentales ». En effet, cette catégorie « famille » considère uniquement les femmes enceintes de plus de trois mois (seules ou en couple), les femmes seules avec enfants, et les couples constitués d’hommes et de femmes avec enfants. Pourtant, les acteurs de la veille sociale l’attestent désormais dans les statistiques : les familles hébergées ou en demande d’hébergement sont majoritairement des « familles monoparentales » constituées donc de femmes seules avec enfants. Cette segmentation par typologie administrative a, de fait, exclu le genre féminin des statistiques, et empêche donc la visibilité statistique de la présence déjà importante des femmes parmi la population des plus démuni·e·s.
Depuis 2017, l’ADSF a vu sa file active tripler (347 en 2016, 709 en 2017, 1 123 en 2018, 1 177 en 2019). Cette augmentation s’explique certes d’une part par une augmentation des équipes mobiles et des activités de l’association, mais également par une hausse du nombre de signalements, d’orientations par les acteurs de la veille sociale, hospitaliers et de soins, par les citoyen·ne·s eux et elles-mêmes ; par ailleurs, le public cible se présente de plus en plus spontanément (par effet de bouche à oreille) au Repaire Santé de l’ADSF à Porte de Saint Ouen,et notamment chaque premier samedi de chaque mois lors de l’Accueil Hygiène et Santé proposé par l’association.
Ainsi, dans un contexte d’augmentation du nombre de femmes en situation de précarité et en demande d’aide sanitaire et sociale, et dans le cadre des dispositifs actuels de prise en charge et de comptage, l’offre au plus démunies ne peut proposer forcément des prestations adaptées pour répondre aux besoins des femmes en situation de vulnérabilité et/ou de précarité.
Or, la précarité a des conséquences dramatiques pour la santé des populations, et en particulier pour les femmes, dont les besoins physiologiques – mais également la prévalence de la dépendance économique, leur exposition à la violence, les discriminations subies ainsi que leur manque de pouvoir sur leur vie sexuelle et leur fécondité ; sont autant de réalités qui nuisent à leur santé physique, mentale et sociale. Ces constats sont communément établis alors même que la santé au sens de l’OMS (c’est-à-dire un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité) est d’une part un droit universel, et d’autre part l’un des premiers facteurs qui permet à chacun·e d’être autonome et en capacité de parvenir à recouvrir ses besoins.
Pour les personnes en situation de grande pauvreté, l’urgence de se mettre à l’abri, de se nourrir soi et ses enfants – ainsi que les barrières administratives, culturelles, géographiques, mais également leur genre – sont autant de barrières à l’accès aux soins, ou des contraintes à y renoncer.
Pour se protéger des violences liées à leur genre (les risques d’être violentées physiquement et sexuellement, volées et dépouillées de leurs papiers et de leurs biens, exploitées et utilisées, l’incapacité de maîtriser de leur fécondité et de se préserver des maladies), les femmes vont s’invisibiliser au sein même de la société par des stratégies distinctes de celles des hommes :
- L’ancrage et le rejet par des apparences masculinisés et repoussantes de la société, les substances addictives, etc. ;
- L’errance et l’isolement par des apparences permettant de se fondre au sein de la société, la fréquentation des lieux publics et protégés, etc.